Description
ENSEMBLE DE 5 ÉDITIONS ORIGINALES, oeuvres de Charles-Louis Philippe et numéro spécial de La Nouvelle Revue Française consacré à l'écrivain.
Tous sont issus DE LA BIBLIOTHÈQUE DE MARGUERITE AUDOUX, qui les fit relier à l'identique par Marcelin Lortic vraisemblablement à la fin 1911 (elle écrit à cette époque à Valery Larbaud "je ne t'envoie pas moi-même les deux livres de Philippe que tu me demandes parce qu'ils sont chez le relieur").
3 des ouvrages portant un ENVOI AUTOGRAPHE SIGNÉ.
"Je crois", écrit Charles-Louis Philippe à Maurice Barrès en 1903, "être en France le premier d'une race de pauvres qui soit allée dans les lettres". Issu d'une famille modeste, Charles-Louis Philippe monte à Paris pour s'établir comme poète symboliste, mais se tourne bientôt vers la prose. Ses romans, qu'on associera plus tard au courant de la littérature prolétarienne, lui valent le soutien d'Octave Mirbeau. Ce dernier échoue cependant par deux fois à lui faire obtenir le Goncourt. Marguerite Audoux, autre protégée de Mirbeau, ne sera pas plus chanceuse.
Charles-Louis Philippe fait la connaissance de celle qui n'est pas encore l'auteur de Marie-Claire au printemps 1900. Elle décrit leur rencontre en ces termes : "Il parlait avec un accent que j'avais entendu dans mon enfance, et aussitôt qu'il sut que j'étais d'un pays très peu éloigné du sien, il me rappela des mots de patois que j'avais oubliés et qui nous rapprochèrent comme un lien de parenté." ("Charles-Louis Philippe à Paris", Le Travail, 24 décembre 1910). Membre du groupe "de Carnetin", il l'aurait attendue chaque semaine à la gare, annonçant : "J'aime mieux manquer tous les trains que de la laisser seule un dimanche" (Audoux, "Souvenirs", La Nouvelle Revue Française, 15 février 1910)
C'est ainsi en ami que Charles-Louis Philippe accompagne la genèse de Marie-Claire : dans l'atelier de la rue Victor-Considérant, il en fait aux fidèles de Carnetin la toute première lecture à voix haute, puis en découvre les nouveaux chapitres au fur et à mesure de leur lente rédaction. Mirbeau note, dans sa préface à l'édition Fasquelle : "Charles-Louis Philippe l'encouragea particulièrement, mais jamais il ne lui donna de conseils. Adressés à une femme dont la sensibilité était si éduquée déjà, la volonté si arrêtée, le tempérament si affirmé, il les sentait encore plus inutiles que dangereux." Il aurait, tout au plus, effectué un travail de correction de la syntaxe.
Charles-Louis Philippe meurt brutalement d'une fièvre typhoïde le 21 décembre décembre 1909. Le manuscrit est à peine achevé, mais "Marguerite Audoux ne veut plus entendre parler d'éditeur, tant le livre était pour elle lié à son ami" (Garreau, "Marguerite Audoux à Paris", 1997). Qu'importe, la machine est lancée, et bientôt Octave Mirbeau intervient auprès de La Grande Revue. Malgré cela, le premier texte publié par Audoux n'est pas Marie-Claire : elle signe en effet un article sur Charles-Louis Philippe dans le numéro hommage de la NRF du 15 février 1910. Audoux y évoque ses relations avec Berthe Méténier et Marie Donadieu, la première lecture d'un chapitre du Père Perdrix au futur groupe de Carnetin, sa maladie, sa mort enfin, dont le récit préfigure et reprend à la fois celui de la mort de Soeur Désirée-des-Anges dans les dernières pages de Marie-Claire.
Pour ajouter au chagrin de Marguerite Audoux, la mère et la soeur du mort mènent campagne contre elle : toutes deux soutiennent en effet que Charles-Louis Philippe serait le véritable auteur de Marie-Claire. Accusation que leur ami commun Léon-Paul Fargue, parmi tant d'autres, balaie d'une phrase : "D'énormes bêtises ont été dites sur le genèse de ce livre étonnant. Charles-Louis Philippe ou Giraudoux, par exemple, y auraient mis la main ! Je puis attester que c'est faux." (Refuges, p. 166)
L'hostilité manifestée par les Philippe ne ternit pas pour Marguerite Audoux le souvenir de son ami. Elle lui dédie, en décembre 1910, un essai intitulé "Charles-Louis Philippe à Paris", paru dans Le Travail. Bien longtemps après, même, un article de journal consacré à la romancière, alors âgée de 72 ans, évoquera l'image de "Marguerite Audoux, vivant seule, à Paris, dans une unique pièce, entre des portraits : ceux d'Octave Mirbeau et Charles‑Louis Philippe." Et Audoux d'ajouter : "Charles‑Louis Philippe et Mirbeau sont les deux êtres qui m'ont le plus intéressée, encore que bien différents l'un de l'autre." (Archives Marguerite Audoux, article joint à la lettre 395A)
Charles-Louis PHILLIPE
Quatre Histoires de Pauvre-Amour
Paris : éditions de l'Enclos, 1897
128 x 155 mm, 133 pp., [1] f., couverture et dos conservé
ÉDITION ORIGINALE du premier livre de Charles-Louis Philippe, publié à compte d'auteur et dédié à Catulle Mendès ("ah ! donc vous m'avez fait aimer l'amour, vous m'avez fait aimer les jeunes filles de province et les petits enfants tièdes et sages [...] Au nom des douceurs de ma vie que je vous dois, j'ai voulu, Monsieur, vous dédier mon premier livre" (pp. VII-VIII)
Ces quatre textes avaient paru dans la revue d'"art social" L'Enclos dirigée par Louis Lumet, qui eut sur le jeune Charles-Louis Philippe une influence décisive.
Michel Arnauld écrit : "Il n'aimait pas non plus qu'on lui rappelât ses Quatre Histoires du Pauvre Amour (1897). Et pourtant, quelles que soient leurs imperfections, elle ne copient aucun maître et dessinent déjà nettement une personnalité naissante." ("L'oeuvre de Charles-Louis Philippe, NRF n°14, février 1910, p. 142)
Charles-Louis PHILIPPE
Bubu de Montparnasse
Paris : éditions de la revue Blanche, 1901
125 x 188 mm, 225 pp., [1] f. bl., couverture et dos conservés
ÉDITION ORIGINALE du premier et plus célèbre roman de Charles-Louis Philippe, avec le tampon rouge de l'auteur au justificatif de tirage. Exemplaire du service de presse (poinçon) sur papier d'édition après 10 ex. sur Hollande. Mention de 2e mille à la couverture.
ENVOI AUTOGRAPHE SIGNÉ À MARGUERITE AUDOUX :
A Mme Marguerite Audoux
hommage profondément affectueux de
Charles-Louis Philippe
Inspiré par la relation de l'auteur avec une jeune prostituée, Bubu de Montparnasse met en scène le personnage de Berthe Méténier qui espère, grâce à son amant, échapper à la misère et à son souteneur "Bubu". Le roman connaît un grand succès populaire (malheureusement pour Philippe, le phénomène ne se répétera pas), bien que certains prennent en horreur sa peinture crue des bas-fonds parisiens rongés par la syphilis.
Dans son article "Souvenirs" (paru dans le numéro hommage à Charles-Louis Philippe de la Nouvelle revue française), Marguerite Audoux rapporte un curieux récit sur l'inspiratrice de Berthe Méténier :
Le jour même où Bubu de Montparnasse parut en librairie, Berthe Méténier écrivait à Charles-Louis Philippe : “ Vous seul pouvez avoir pitié de moi. J’ai confiance en vous. Sauvez-moi. Je serai demain à deux heures derrière l’église Saint-Leu ”.
Elle voulait quitter Paris, s’en aller n’importe où, et elle suppliait Charles-Louis Philippe de l’aider et de la conseiller.
Il la ramena dans un petit café de la rue Vavin où l’attendaient ses amis. Il la fit passer devant lui en la prenant aux épaules, et comme s’il eût exposé au regard de ses amis une chose infiniment précieuse, il dit moitié riant et moitié grave :
— Voilà une femme que je vais sauver.
[...]
Vers minuit, on entra dans une gare. Philippe fit monter Berthe Méténier dans un train prêt à partir. Il l’installa plein d’attention au milieu d’oreillers et de couvertures. Et quand le train fut parti son visage prit une expression ferme et sereine que ses amis ne lui avaient jamais vue.
T. S. Eliot, qui avait découvert le roman en 1910 alors qu'il étudiait à la Sorbonne, y aurait selon certains puisé l'inpiration de ses 3e et 4e Préludes. Il préfacera en tous cas une traduction anglaise de 1932, comparant Philippe à Dickens et Dostoïevski avant de le décrire comme "perhaps the most faithful to the point of view of the humble and oppressed themselves... more their spokesman than their champion".
Charles-Louis PHILIPPE
Marie Donadieu
Paris : Bibliothèque-Charpentier, 1904
125 x 188 mm, [2] ff., 316 pp., couverture et dos conservés, quelques manques au dos
ÉDITION ORIGINALE, exemplaire sur papier d'édition après 5 ex. sur Hollande.
ENVOI AUTOGRAPHE SIGNÉ À MARGUERITE AUDOUX :
A Marguerite Audoux
bien affectueusement
Charles-Louis Philippe
"Ce roman," écrit Charles-Louis Philippe à Mme Mac Kenty, "sera plein d'amour , avec une femme menteuse du fond du cœur, généreuse, souffrant les martyres du mensonge, écrasée, nerveuse, sentimentale, rejetée du monde, éliminée successivement du cœur des hommes à cause du mensonge dont elle doit s'entourer." C'est en 1900 qu'il fait la connaissance de la séduisante jeune femme qui sera l'inspiratrice de Marie Donadieu ; cette année marque également sa rencontre avec Marguerite Audoux, qui évoquera dans "Souvenirs" le déroulement de leur brève idylle.
Le Père Perdrix parut [en 1903] et l’année suivante ce fut Marie Donadieu. Contre son habitude, il n’avait pas lu un à un les chapitres à ses amis. “ J’ai fait une Marie Donadieu que vous ne connaissez pas ”, disait-il.
Charles-Louis PHILIPPE
Croquignole
Paris : Bibliothèque-Charpentier, 1906
couverture et dos conservés avec quelques manques en pied du dos
ÉDITION ORIGINALE, exemplaire sur papier d'édition après 5 ex. sur Hollande.
ENVOI AUTOGRAPHE SIGNÉ À MARGUERITE AUDOUX :
A ma chère, à ma bonne Marguerite
bien affectueusement
Philippe
On connaît un portrait photographique de Marguerite Audoux posant avec l'ouvrage, qu'elle n'avait à l'époque pas encore fait relier.
"Farce qui s'achève en drame" selon Marcel Arnauld, Croquignole chronique le quotidien d'un petit employé de bureau, aimant les femmes, ravi d'avoir reçu un modeste héritage. Philippe y fait intervenir un personnage inspiré par son ami Lucien Jean, dont il préparait un volume d'oeuvres posthumes lorsqu'il fut lui-même fauché par la maladie.
Malgré la soutien de Mirbeau, Croquignole n'obtient pas le prix Goncourt, qui revient cette année-là à Jérôme et Jean Tharaud.
La Nouvelle Revue Française. N°14
Paris : NRF, 15 février 1910.
149 x 228 mm, 186 pp. numérotées 139-324, couverture et dos conservés
ÉDITION ORIGINALE du numéro 14 de la Nouvelle Revue Française entièrement consacré à l'un de ses fondateurs, Charles-Louis Philippe, décédé en décembre de l'année précédente. Illustré en frontispice d'un portrait à l'héliogravure d'après Charles Guérin et d'un fac-similé, avec des contributions de Paul Claudel, Michel Arnauld, Anna de Noailles, Marcel Ray, Régis Gignoux, Émile Guillaumin, André Gide et Marguerite Audoux. L'article "Souvenirs" (pp. 195-202) est le premier texte publié par celle qu'on connaîtra, dès le mois de mai de la même année, comme l'auteur de Marie-Claire.
La veille du jour où il cessa de vivre, il se souleva de lui-même sur son lit, il chercha de la main son binocle sur la petite table à côté de lui, il l'assura comme il le faisait toujours avec les derniers doigts de la main, et en s'appuyant sur un coude il tendit le visage vers la croisée. Il regarda longtemps, et tout à coup il dit.
— Comme toute cela est beau.
Il avança son visage comme s'il espérait voir plus loin, et d'un accent plein d'admiration, il dit encore :
— Bon Dieu que c'est beau.
Il laissa aller sa tête comme s'il était écrasé par toute la beauté qu'il voyait, puis il remit son binocle sur la table, reposa sa tête sur l'oreiller, et aussitôt ses yeux commencèrent à se voiler (p; 202)
Cet ouvrage fait partie du catalogue consacré à Marguerite Audoux que nous venons de publier en ligne, il est disponible sur note site internet.
Reliures signées M. Lortic (vers 1911), demi-maroquin bleu à coins, titre au dos et date en pied, signet, tête dorée