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Henri Moret. 1892-1915

1915210 x 263 mm

Album unique d’un sous-lieutenant d’infanterie mort au combat le 9 mai 1915.

350 

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Description

Exemplaire vraisemblablement unique d'un album à la mémoire d'Henri Jean Alexandre Moret, sous-lieutenant d'infanterie mort au combat le 9 mai 1915.

L'album s'ouvre sur un titre manuscrit, illustré d'un petit bouquet de fleurs réalisé à l'aquarelle et comprend :

- 9 photographies originales d'Henri Moret (à cheval, en uniforme, lisant dans une tranchée...), tirages argentiques de l'époque.
- 23 fac-similés de lettres et cartes envoyées du front à ses parents et à une amie entre le 19 août 1914 et le 2 mai 1915.
- Un fac-similé d'une lettre à Henri Moret de la part de son ancien capitaine (Villemain)
- Un fac-similé d'une lettre envoyée aux parents d'Henri Moret par le général Balfourier et accompagnant une copie de sa citation de l'ordre des corps d'armée.

L'album fut élégamment établi par Lucien Durvand en maroquin doublé de soie et bordures richement ornées.

Henri Moret (1892-1915) s'engage en 1914 dans la cavalerie, mais se porte bientôt volontaire pour passer dans l'infanterie, où l'on manque d'officiers. Il exerce comme sous-lieutenant du 153e régiment d'infanterie et meurt au combat le 9 mai 1915 lors de l'attaque de Neuville Saint-Vaast, première "percée par attaque brusquée" qui marque le début de la deuxième bataille d'Artois.

Henri Moret est le frère aîné de Suzanne Madeleine Marguerite Moret, maîtresse d'Emmanuel Berl.

J'ai vu le feu hier pour la première fois. [...] Mon camarade Pasquier qui était aux fourgons était furieux et disait que vraiment j'avais eu trop de veine d'avoir vu la bataille le premier.

[...]

Nous travaillons avec énergie à devenir fantassins et je vois le jour où dégoûtés nos chevaux refuseront de nous porter. Je fais des Tranchées. [...] Quand referons-nous des petits patés. Qui sait ? Nous avons également joué aux boules de neige.

[...]

Tout à l'heure il a fallu porter un pli sous le feu des mitrailleuses. Dix volontaires se sont offerts. Il est revenu, indemne, j'avais peur.
On vit ici avec une intensité incroyable. Le sentiment de responsabilité et du rôle joué exalte la personnalité.
Vraiment je ne regrette pas mon changement. La cavalerie est une armée de lune, fragile, jolie. Mes poilus sont des soldats.

[...]

Quand on tire une fusée la nuit pour s'éclairer rapidement tout le monde regarde par-dessus le parapet pour voir si tout est calme aussi bien de notre côté que du leur. J'ai fait préparer tous mes hommes, fusil braqué sur la crête du parapet allemand situé à 30 mètres, puis j'ai tiré une fusée et immédiatement une salve. Nous avons entendu des cris, nous avons dû en tuer quelques uns. Ensuite il y a eu leur relève que nous avons ou surprendre arrivant la nuit. Feu à volonté à 30 mètres cela a dû être merveilleux.

[...]

on sent que le chef est tout et que tout vaut le chef [...] J'ai dû en ramener 4 revolver au poing qui s'étaient sauvés d'une autre section un obus était tombé dans leur groupe  ils étaient complètement affolés, leur chef ne les avait pas assez en main. On pratique ici un effet de suggestion je fais croire aux hommes et leur besoin de confiance est tel que partout autour de moi il y a la veine et qu'il n'y a qu'à se grouper autour de moi pour ne pas être touché.

[...]

De place en place quelques buissons couverts de bourgeons qu'un hasard du sort a protégés des balles. Il y a même une touffe de primevères et quelques violettes. Je les cueille pieusement. La vie reprend même dans la mort. La mort n'existe pas. La nature renait triomphante. Les corps des morts se fondent dans son harmonie. [...] Demain Paques la grande fête chrétienne, communion de tous en un même idéal. Il s'ajoutera cette fois quelque chose de plus, la communion des forces pour chasser l'ennemi commun et plus présente nous sera l'union des vivants et des morts, la patrie en un mot.

[...]

Je t'ai dit brièvement que nous avions monté une retraite aux flambeaux. Cela a été très amusant. Des lampions achetés chez l'épicier vieux restes des 14 juillets passé des betteraves creusées avec une bougie même des fusées et des feux de bengale [...] Demain j'organise pour le bataillon une soirée théâtrale. Un vrai nègre fera une danse nègre également. Un autre une danse russe puis chants variés Marseilaise finale. Tout sera très beau.

[...]

Je voudrais que tu m'envoies pour le plus tôt possible un couteau de chasse de 50 cm de long au plus plutôt moins. Tranchant des deux côtes, droit, bien en main, bonne garde au besoin à coquille et surtout bonne lame assez épaisse, solide. Cela dès que tu pourras et fais la fonte pour que cela arrive vite c'est ce qui me servira de sabre.

[...]

Nous avons dû construire un boyau offensif allant à 50 m des boches et ce complètement à découvert [...] Je me suis promené en long et en large pendant près d'une heure pour encourager les travailleurs, cela complètement à découvert. Finalement le feu devenant trop violent j'ai fait coucher mes hommes et me suis couché moi même. Là appuyé sur un homme et un autre sur moi celui sur qui j'étais a eu la tête éclatée par une balle et l'autre la jambe traversée.

[...]

Mes chers parents,
Nous partons demain ou après-demain pour la poussée définitive qui débarrassera notre pays. Nous avons l'honneur d'être en première ligne et nul ne sait s'il reviendra. Si cette lettre vous parvient c'est que je ne serai plus, je serai mort comme tant d'autres français avant moi pour leur patrie.

 

1915.In-4, Relié,210 x 263 mm,[48] ff. .

Maroquin vert, dos à nerfs avec titre doré et filets, encadrement d’un triple filet sur les plats, double-filet sur les coupes, roulette intérieure, gardes de soie moirée, tête dorée, signet. Plat supérieur et dos insolés. Reliure signée « Durvand ».