Description
ÉDITION ORIGINALE de cet opuscule illustré de nombreux schémas, destiné à promouvoir le Plan Voisin auprès des autorités du régime de Vichy.
ENVOI AUTOGRAPHE SIGNÉ à René Belin, qui fut Ministre du Travail entre le 14 juillet 1940 et le 18 avril 1942 :
A M. Belin,
Ministre et secrétaire d'État,
cette petite contribution à la vérité urbanistique à l'heure où de graves décisions peuvent être prises.
Avec mon respect et ma vive sympathie
Le Corbusier
Vichy février 1941
Dès le 23 février 1941, René Belin cumula ce poste à celui de chargé de la production industrielle, rôle essentiel selon Le Corbusier qui insiste sur le fait que "la grande industrie s'empare du bâtiment" (p. 6)
Dans son ouvrage Le Corbusier, un fascisme français, Xavier de Jarcy met en rapport les sympathies fascisantes de Le Corbusier et ses rêves urbanistes "en béton armé", faits de villes "fourmilières à l'esthétique austère et hautaine au service d'une nouvelle civilisation du travail". Nommé dès 1940 conseiller pour l'urbanisme auprès du gouvernement de Vichy, alors que les projets d'assainissement de l'îlot insalubre n°16 (4e arrondissement de Paris) se mettent en branle, Le Corbusier nourrit de grands espoirs, qu'il résume dans Destin de Paris sous forme d'un projet pour l'îlot insalubre n°6 (Faubourg Saint Antoine) conçu selon son modèle de la Ville Radieuse :
[...] j'ai préparé avant cette année fatidique un livre qui s'appelle : "Sur les quatre Routes" ; je l'ai rédigé en automne 1939 pendant les trois premiers mois de la guerre ; ce livre impliquait la victoire et il exposait le programme d'une part capitale de nos nécessaires proches grandes entreprises. Il va paraître, sans un mot de changé, après la défaite, car la défaite, dans la ligne de l'événement n'est rien de plus qu'un malheur à la place d'une chance. [Je] poursuis ici, en ligne droite vers le but de ces lignes qui est de montrer que le sort de Paris vient d'être mis en jeu par des motifs qui sont de logis et d'urbanisme. Que le gouvernement ayant décidé de mettre immédiatement en chantier le premier "îlot insalubre" de Paris, l'heure du choix a sonné, selon lequel la direction sera désignée ; et cette direction entraînera le destin de Paris. (p. 9)
Le changement de gouvernement représente, selon les termes de Le Corbusier, "un vrai miracle" : depuis déjà plusieurs années, les autorités boudent son projet de réaménagement de la rive droite de Paris, présenté pour la première fois à l'Exposition des Arts décoratifs 1925. Connu sous le nom de Plan Voisin, ce projet propose une réorganisation linéaire de l'espace urbain, portée par le développement des moyens de transport et l'implication de la "grande industrie" dans la construction des logis. L'architecte imagine une cité d'affaires de 240 hectares, s'étendant de la gare de l'Est au rond-point des Champs Élysées, délimitée au sud par la Seine et à l'ouest par la rue Vieille du temple. Au centre, un ensemble de 18 gratte-ciel cruciformes hauts de 200 mètres. Pour mettre en place le Plan Voisin, qu'il envisage comme le point de départ d'un réaménagement de l'ensemble du territoire français, Le Corbusier propose tout bonnement de raser une grande partie du "vieux Paris", n'en préservant que quelques vestiges.
Les traditions ? C'est une chaîne de tous les temps, c'est toujours un pas en avant, c'est toujours une addition. Ce n'est jamais une immobilisation, et jamais un retour ou un recul. Le temps ne recule pas, et les oeuvres de la ville, toujours ont exprimé le temps. (p. 11)
Optimiste, Le Corbusier conclut l'ouvrage par cet appel :
En octobre 1940, une décision de principe peut conduire la société moderne, dans la réalisation de ses éléments techniques, là même où l'Autorité a magistralement, décidé de conduire le pays.
Le régime, malgré les efforts de Le Corbusier pour y trouver des soutiens, opte toutefois pour la conservation ; son plan d'urbanisme pour Alger, même, est rejeté en juin 1942. Le Corbusier quitte Vichy un mois plus tard.
Dans l'après-guerre, Le Corbusier persiste : en 1958, âgé de 70 ans, il soumet à la médiation d'André Malraux deux pages consacrées au "sort de Paris". Ce-dernier prendra à son tour la défense de la conservation du patrimoine, position qu'il affirmera avec la "Loi Malraux". Les théories de Le Corbusier, faute d'avoir transformé la capitale, auront toutefois une grande influence sur le développement de ses "grands ensembles" périphériques.
Peu courant avec envoi.
Manques au dos. Couverture salie, rousseurs aux premiers feuillets.