Description
ÉDITION ORIGINALE du tout premier pamphlet Dreyfusard, imprimé en Belgique à 3500 exemplaires. Le texte ne paraîtra à Paris qu'en 1897.
Monté à Paris en 1886, le journaliste Bernard Lazare fréquente la bohème littéraire et les milieux anarchistes avant de s'engager dans le combat pour l'art social. En 1894, il publie L'antisémitisme, son histoire et ses causes, et polémique avec le directeur de la Libre parole, Édouard Drumont. Connaissant ses positions, la famille du capitaine Dreyfus prend contact avec lui dès le début de l'affaire. Convaincu qu'une machination vise l'accusé, Bernard Lazare consent à prendre sa défense.
Il peine cependant à trouver des soutiens à Paris : si le texte est achevé à l'automne 1895, les journaux parisiens auxquels il collabore refusent le dossier. En outre, la famille de l'accusé préfère attendre un moment plus "stratégique". L'occasion se présente en 1896 : la rumeur d'une évasion circule, et un article, paru dans L'Éclair le 15 septembre 1896, affirme l'existence d'une pièce secrète non soumise à la défense. Bernard Lazare part pour la Belgique, où il fait tirer la brochure (remaniée par rapport au texte de 1895) à 3500 exemplaires qu'il expédie depuis Paris, Bruxelles et Bâle. Cette dépense pousse certains à spéculer sur l'implication d'un syndicat.
"Du jour au lendemain," écrit Bernard Lazare, "je fus un paria". Abraham Frumkin, militant anarchiste, raconte en effet: "Il ne fut pas seulement le premier : trois années durant, il fut aussi le seul qui eut le courage d'élever sa voix en faveur du capitaine". Et son ami Charles Péguy de renchérir " […] l’affaire Dreyfus lui collait aux épaules comme une chape inexpiable. Suspect partout, solitaire surtout dans son propre parti. Pas un journal, pas une revue n’acceptait, ne tolérait sa signature". Cela n'empêche pas Lazare de démarcher l'intelligentsia littéraire de l'époque, dont Zola "que je trouvai plein de sympathie, mais que la grâce ne frappa [...] que lorsque le drame complet saisit son imagination de romancier". Ce dernier empruntera à Bernard Lazare la litanie de "J'accuse" qui scande son article paru dans l'Aurore : Lazare lui confiera en effet une lettre à la famille Dreyfus, datée de 1895, dans laquelle il fait usage de ce motif.
Une seconde édition d'Une erreur judiciaire, légèrement augmentée et corrigée, paraît en 1897 chez Stock. Au lendemain de la condamnation de Dreyfus, Lazare publie un nouveau pamphlet, Comment on condamne un innocent. Il composera pour L'Aurore plusieurs articles sur les communautés juives en Europe et en Afrique du nord.
Peu courant.
Reliure de l’époque, demi-toile rouge, dos lisse avec titre doré, signet. Mors, coiffes et coins légèrement frottés.