Description
Première édition, posthume, du théâtre complet de Jean Giraudoux.
Collection complète en 16 volumes :
UN DES 32 PREMIERS EXEMPLAIRES SUR INGRES GUARRO, et parmi ceux-ci,
l'un des 7 ex. nominatifs hors-commerce, celui imprimé spécialement pour Louis Jouvet
Les 11 premiers donnent le texte définitif de 13 pièces du dramaturge ; les 4 volumes suivants sont consacrés aux variantes et fragments inédits ; le dernier volume comprend, en plus de L'Apollon de Bellac, une pièce inédite, Pour Lucrèce, qui paraît ici en édition originale. Elle est créée le 6 novembre 1953 au théâtre Mariginy.
Chaque volume est illustré en frontispice d'une composition originale de Christian Bérard (le dernier volume comprend une planche supplémentaire).
Chaque volume porte en outre, au contreplat supérieur ou à une garde blanche, l'ex-libris de Louis Jouvet dont l'illustration reprend celle du programme de L'École des femmes.
C'est sans doute à Louis Jouvet que Giraudoux doit d'être passé à la postérité comme dramaturge plutôt que comme romancier. Lorsqu'il rencontre, en juillet 1927, le directeur de la Comédie des Champs Élysées, Giraudoux travaille à une adaptation théâtrale de son roman Siegfried et le Limousin. Le manuscrit qu'il présente à Jouvet est celui d'une pièce de huit heures : auteur et metteur scène effectuent de concert coupes et corrections. Le nouveau texte établi, Giraudoux assiste à chacune des étapes du casting, de la mise en scène et des répétitions. Siegfried, créée le 3 mai 1928, est un triomphe ; deux jours après la première, Louis Jouvet prie Giraudoux de lui réserver sa prochaine pièce. C'est le début d'une collaboration étroite entre toutes dont Jouvet résumera l'importance dans une lettre à la veuve du dramaturge :
[Cette proposition concernant La Folle de Chaillot] traduit, de ma part, le goût de prolonger une collaboration à laquelle j'ai consacré dix-sept années, la volonté d'entretenir une admiration que j'ai fait partager au public et qui est devenue aujourd'hui, pour moi, un besoin, je veux dire, un devoir de maintenir. Ce que j'ai fait au théâtre n'a de sens jusqu'ici que par l'oeuvre de Jean : les douze pièces que j'ai montées. En mon absence, Sodome et Gomorrhe est la seule oeuvre à laquelle je n'ai pas eu l'honneur d'accorder mes soins.
J'ai appris avec lui le théâtre et l'amitié, il m'a fait aussi connaître la fidélité. C'est une phrase qu'il m'a dite souvent lorsque, par scrupule professionnel, je voulais le laisser libre d'accepter les propositions de plus en plus nombreuses que lui faisaient d'autres directeurs au fur et à mesure que sa réputation grandissait. "Non, me disait-il. — Pourquoi ? — J'aime la fidélité." Il m'a dit aussi et il l'a répété : "Si vous n'aviez pas pris ma première pièce, je l'aurais fait jouer ailleurs et puis je n'aurais plus fait de théâtre".
En effet, hormis Sodome et Gomorrhe (mise en scène pour la première fois par Georges Douking en octobre 1943) et Pour Lucrèce, toutes les pièces de Giraudoux seront crées par Louis Jouvet et sa troupe : de la Comédie des Champs Élysées au Théâtre de l'Athénée, des triomphes d'Ondine et de La Guerre de Troie n'aura pas lieu aux succès plus timides d'Intermezzo et de Judith, l'écriture de Giraudoux en viendra presque à définir le travail de Jouvet : "L'atmosphère ne peut pas varier chez moi tant que je pourrai jouer les pièces de Giraudoux", déclare-t-il à Valentin Marquetty, "La classe Giraudoux, c'est cela qui donne la ligne de conduite à mon théâtre".
Giraudoux, pour sa part, évoque l'influence décisive de Jouvet sur son écriture dramatique :
"C'est très fréquemment qu'un de ces fantômes encore suants d'inexistence et de mutisme, prétend prendre immédiatement la forme désinvolte et volubile de Louis Jouvet. Mon intimité avec lui est si grande, notre attelage dramatique si bien noué, que l'apparition larvaire en une minute a pris déjà sa bouche, son oeil narquois et sa prononciation. A tel point que cet ami merveilleux et ce comédien génial se dédouble pour moi-même en sa présence, et devient lui-même en moi un personnage qui m'accable de réflexions et de divagations, pour lequel je n'ai trouvé ni cherché ailleurs d'autre nom, quand je note ses commentaires, que le nom même de Jouvet."
La mort de Giraudoux en janvier 1944 laisse planer le doute quand au destin de son ultime pièce La Folle de Chaillot ; prévu par Giraudoux pour l'Athénée (en 1943, il précise déjà sur son manuscrit "La Folle de Chaillot a été jouée pour la première fois le 17 octobre 1945 sur la scène du Théâtre de l'Athénée par Louis Jouvet"), la pièce coûte une fortune à monter : Jouvet est contraint de plaidoyer auprès de Suzanne Giraudoux pour obtenir des financements, et passe même une annonce dans Le Figaro pour réclamer un don de costumes. La Folle est enfin donnée le 21 décembre 1945 ; en première page du programme, Louis Jouvet présente ses excuses à Giraudoux pour le retard de quelques semaines par rapport à la date qu'il avait anticipée.
C'est en juillet 1951, à l'occasion de l'inauguration à Bellac d'une fontaine à la mémoire de Giraudoux, que Jouvet monte pour la dernière fois sur scène : aux côtés de Dominique Blanchar, il interprète la mort du chevalier Hans dans Ondine. La commémoration, au cours de laquelle sont joués de nombreux extraits des pièces de Giraudoux, donne naissance au festival de Bellac, qui fêtera bientôt ses 70 ans.
Comprend :
1. Siegfried. 1945. [1] pl., 204 pp., [3] ff., [1] f. bl., [1] f.
2. Judith. 1945. [1] pl., 138 pp., [3] ff.
3. Amphytrion 38. 1945. [1] pl., 144 pp., [3] ff.
4. Intermezzo. 1946. [1] pl., 144 pp. [3] ff.
5. Tessa. 1946. [1] pl., 226 pp., [3] ff.
6. La Guerre de Troie n'aura pas lieu / Supplément au voyage de Cook. 1946. [1] pl., 199 pp., [2] ff.
7. Electre. 1946. [1] pl., 162 pp., [3] ff.
8. L'impromptu de Paris / Cantique des cantiques. 1946. [1] pl., 123 pp., [2] ff.
9. Ondine. 1946. [1] pl., 167 pp., [2] ff.
10. Sodome et Gomorrhe. 1947. [1] pl., 110 pp., [3] ff.
11. La Folle de Chaillot. 1947. [1] pl., 140 pp., [3] ff.
12. Variantes I. 1947. [1] pl., 210 pp., [3] ff.
13. Variantes II. 1947. [1] pl., 235 pp., [2] ff.
14. Variantes III. 1948. [1] pl., 125 pp., [2] ff.
15. Variantes IV. 1948. [1] pl., 151 pp., [3] ff.
16. Pour Lucrèce / L'Apollon de Bellac. 1953. [2] pl., 195 pp., [2] ff.
Brochés, non-coupés (sauf vol. 8). 4 signets justificatifs de tirage et 2 feuillets volants « aux souscripteurs » conservés.
Dos parfois assombris, surtout en queue, quelques coins appuyés et petites déchirures au niveau des mors.