Description
BELLE CORRESPONDANCE AUTOGRAPHE SIGNÉE Colette, adressée à son ami Maurice Carrère, et comportant 11 lettres (non datées, vers 1945-46) centrées principalement sur la parfumerie.
Propriétaire d'un cabaret restaurant, décorateur, organisateur de spectacles, Maurice Carrère lança en 1946 son premier parfum, "Signature", dont Colette se montrait particulièrement friande :
"Voulez-vous me faire remettre, par le premier passant (tâchez d’être ce passant !) un peu de parfum Carrère ? La dernière goute de jasmin de Corse m’ayant quittée, me voilà forcée de consommer le votre par quantités indécentes, pour que ni mon logis, ni moi, ni mon divan, ni mes armoires ne sentent l’enfermé le malade, ni surtout… le Palais-Royal ! Merci. Cher Maurice, nous vous embrasons avec une tendre amitié."
"Mon petit Maurice, tu n’es qu’un ci et un ça. On ne te voit plus, et je n’ai plus une goute de Signature pour embaumer mon logis et moi-même. Je t’embrasse avec beaucoup de froide dignité et nous t’attendons."
"Derechef une autre bouteille d’au de toilette !!! Mon petit Maurice, tu es bien trop dilapidateur pour t’enrichir ! Pourtant ta vieille amie s’obstine à te souhaiter mille prospérités sans en excepter les plus matérielles."
"J’étais furieuse hier soir. Vous avez tous dîné à ma barbe, à celle de ma grippe (et à celle de Bebé) et tu n’as même pas gravi mon étage et demi ! Je te mets à l’amende d’une visite, et d’un parfum qui empêche mon logis et moi-même de sentir la Vieille-Dame-Grippée"
"Je ne puis m’empêcher de songer à votre si gentille proposition de... combustible. Comme je déteste que mes amis s’exposent pour moi, je vous conjure - dans le cas où vous réussiriez - d’être prudent en ce qui concerne la livraison. Maurice aura prochainement une minuscule auto, et il irait très bien chercher, par petite quantités, la précieuse denrée. Car je crains fort que la charmante Simone Berriau, très occupée de beaucoup de choses, ait oublié qu’elle m’a parlé anthracite..."
Déterminée à soutenir Carrère dans son entreprise, Colette lui rend compte de ses impressions sur sa ligne de parfums :
"Cher Maurice, je reçois un bibelot très réussi. Flacon, boite vernissée sont charmants. Ce qui est encore mieux, c’est le contenu du flacon. « Vent fou » a justement une petite haleine ancien style qui est - à mes naseaux - un grand mérite."
"Cher Maurice, ce flacon est charmant. Enfin un flacon bien féminin, et inspiré par une époque que j’aime. Le parfum aussi me parait au point : un peu plus « dry » un peu moins sucré. Je me trompe ?"
"Cher Maurice, où en est le second parfum ? Il me tarde de la goûter. Je suis cloitrée - oh ! un peu plus, un peu moins… - ayant pris froid. Je travaille. Enfin rien de bien nouveau."
Et Maurice Carrère de lui faire parvenir d'autres liquides :
"Que de flacons, cher Maurice ! Celui du Rhum est une merveille - contenant et contenu - Nous venons de nous soigner, tous deux, avec un de ces grogs…"
"Coupable déjà de m’avoir fait r’aimer le thé, vous m’avez fait r’aimer le porto. Il est vrai que celui-ci convaincrait les plus récalcitrants."
On joint la plaquette Seize signatures pour une (Paris, Aljanvic 1946, broché), publiée à l'occasion de la sortie du parfum "Signature" ; avec des textes de Bérard, Cocteau, Daragnès et une préface en 5 pages de Colette :
Quand il s'agit de luxe et de variété, l'invention française refuse de se reposer : Carrère veut sa place. Je la lui donne de confiance. Nous savons qu'il consacrera, à la gloire de la grastronomie française, une main d'amant, un oeil de pilote, un nez de limier. [...] Il semble que la préférence actuelle aille aux parfums ambigus, dont le premier choc gagne à l'évaporation, parfois se fruite légèrement. Séduction double, qu'a recherchée Carrère, qui voulait que son premier parfum fût "actuel".