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Manuscrit autographe signé : Paul Valéry

1945210 x 270 mm

Manuscrit en partie inédit après de Paul Valéry.

Réservé

Description

MANUSCRIT AUTOGRAPHE SIGNÉ en partie inédit.
La première partie du texte parut  dans le n° 44 de juillet 1945 de la Revue Fontaine, la seconde partie intitulé après-coup, ne fut pas publiée.

" Paul Valéry
Paul Valéry serait sans doute un fort en thème dans le poème s'il n'avait mesuré quel est le privilège du cancre et s'il n'en avait tout de suite marié les charmes avec la maîtrise du professeur. Il me dit un jour : " maintenant que ma voilà à l'Académie je vais y faire entrer la canaille". Par canaille  il entendait les vrais poètes, ceux qui dérangent la classe, cachent des réveil-matin dans leur pupitre, donnent à la règle des crocs en jambe et se font renvoyer du collège pour crime de lèse-majesté. Sa ligne droite était tortueuse, faite d'en méandre qui ne formait aucune rupture et n'était droite que dans son essence. Le précieux reptile qui en compose les entrelacs aime à se mordre la queue et  à figurer par une dernière malice, le signe du néant. Car le pessimisme de Paul Valéry ne s'exprime que par amour de l'exercice et par une sorte de découragement d'une âme aérienne à subir la pesanteur. Son étude si grave du monde nocturne où l'oeuvre fait son oeuf s'accompagne toujours de ces clins d'oeil et de ses fous rires du mauvais élève qui, se sachant capable de bâcler en une minute le travail des autres, les survole en quelques sorte et n'arrive pas à prendre leur discipline au sérieux : Jamais il n'a adopté cette allure poétique et historique si néfaste, dont l'avenir seul se charge et ridiculise ceux qui l'imagine indispensable à leur visibilité immédiate. Invisible il l'était et il el reste dans la mesure où le meilleur de nous demeure incomparable et oppose une énigme au lecture innommable qui ne jure que par comparaison. Un des grands privilège de Paul Valéry est le sens inné et presque magique de la mise en place. Combien de poètes jettent leur richesse en désordre et ne savent pas la faire valoir. Ne serait-ce que la comtesse de Noailles qui trouve sans cesse et déroute par une méconnaissance totale de la perspective et des valeurs. Lorsque Paul Valéry trouve : "le lait plat" il trouve d'abord et, selon la méthode que je préconise, il cherche ensuite l'angle dans lequel sa trouvaille s'éclairera le mieux. Ce phénomène de la mise en place est un des premiers secrets de la poésie a lui et à relire Malherbe - Racine - Mallarmé - Paul Valéry en a traqué l'économie. Le philtre qu'il nous verse goutte à goutte composé de simples - mais leur vertu (vertu de simples) ne devient efficace que les doses et la cuisson.
Sur Paul Valéry, sa science, sa malice, son incrédulité d'encyclopédiste, sa naïveté de collégien, sa chasse au mystères, la prudence avec laquelle il les aborde et procède à ses expériences d'alchimiste, on pourrait écrire indéfiniment. Ce n'est pas votre rôle. D'autres s'y emploient. Il m'a surnommé Sel de la terre. C'est à nous de lui dire un adieu qu'il approuverait et à citer cette lettre parisienne où Roger [illisible] me raconter son enterrement : "il y avait peu de monde. Lorsque Ronsard mourut le [illisible] funèbre déclara que sa naissance, en 1525, avait compensé le désastre de Pavie. Or Valéry est né en 1871 mais tout dégénère les poètes et les honneurs royaux ! Jean Cocteau"

Après coup

Après coup, et ayant noté ces quelques lignes, je viens d'entendre sortir d'une cabane de pêcheur le récit, par la radio, des funérailles de Paul Valéry. Cette pompe, ce cortège, ces torches, le palais Chaillot, correspondent si mal au décor de filets de pêche, de planches, de légumes e d'aiguilles de pin de cette côte déserte et quelques peu sauvage que Valéry se montre à moi sous la forme la plus humaine. Il n'était pas de ceux qui assistent à leur propre enterrement. Déjà lors des enterrements de la comtesse de Noailles et de Giraudoux j'avais eu la certitude qu'ils me tiraient par la manche et m'entraînaient lion de l'église afin de bavarder autour d'une table. C'est ce Paul Valéry si gai, si peu solennel que j'évoque pendant que l'honore une voix lettre et funèbre. Il préférait à tout un déjeuner entouré où l'on s'attarde. S'il y avait du monde, il savait réduire les hôtes à l'état de fantômes et ne conserver leur volume qu'aux personnes dont il se voulait entendre. Il allait d'une fatigue extrême qui le creusait, le coûtait, le ruinait de fond en comble, à une vivacité incomparable de l'oeil, la mèche et de la moustache.  La mue l'ouvrait en deux jusqu'à l'âme. Il ne craignait pas que ses secrets furent découverts. Les autres ne pouvaient s'en servir. Il les étalait, il éclairait de bonne humeurs chambres les plus profondes. Car un mécanisme  unique machinait ses discours et ses bavardages. Autant dire que ses discours avaient la grace de ses bavardages et ses bavardages la singulière pénombre de ses discours.
Pour le public son oeuvre le sculpte et le commence. Pour nous, c'est un ami qu'on jette, mort, de ce navire où nous accomplissons tous ensemble notre traversée"

 

1945.In-4, En feuilles,210 x 270 mm,3 feuillets.

recto, encre bleue.

Bio

Jean Cocteau

Né le 5 juillet 1889 à Maisons-Laffitte et mort le 11 octobre 1963 dans sa maison de Milly-la-Forêt. Poète, graphiste, dessinateur, dramaturge et cinéaste français, membre de l’ Académie française à partir de 1955.

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