Description
Lettre autographe signée à Max-Pol Fouchet.
Char y évoque le tournage de son "film", vraisemblablement Soleil des eaux, projet abandonné que le poète adaptera finalement pour le théâtre.
Entreprise ambitieuse, voire monumentale, Soleil des eaux (de son premier titre Ceux qui dormaient dans la laine) met en scène une communauté de pêcheurs dévastée par la pollution des eaux. Malgré la relative obscurité de René Char, Yvonne Zervos (directrice de la galerie des Cahiers d'Art) acceptera de financer le film, et les droits seront achetés par la société de production Sifdac pour le somme faramineuse de 600 000 francs.
Mais l'inexpérience du poète se fait ressentir dès les débuts du tournage : il épuisera 4 réalisateurs, et les bailleurs de fonds ne tarderont pas à abandonner le projet.
"Paris Vendredi
Hotel Montalembert, 5 rue Montalembert, 7eMon cher Max-Pol
Je croyais pouvoir partir demain pour le midi. Les circonstances de mon film m'obligent à demeurer ici encore une huitaine de jours (les 2 bailleurs de fonds arrivent mercredi d'Italie)
Je suis désolé pour nos projets immédiats. Que faire ?
Tu sais quel plaisir j'aurais à me trouver avec toi là-bas. Si tu files ces jours-ci, l'Isle-sur-sorgue est tout indiqué pour t'accueillir, mieux que Céreste trop chaud en été.
À l'Isle, les 2 hôtels sont possibles, le meilleur est l'hôtel Béchard - Queneau s'y trouve avec sa femme - Je te signale qu'au cas où tu ne trouverais pas de chambre à l'hôtel ou même simplement pour mieux travailler, ma marraine Mlle Louise Roze, impasse Roze l'Isle se fera une joie de t'héberger chez elle (vaste maison du XVIIIe). À l'hôtel Béchard, le restaurant est excellent. Il y a encore à 5km de l'Isle la solution Mr et Mme Fernand Mathieu - propriété les Camphoux-Lagnes Tel 1 à Cagnes. amis très chers qui vous hébergeront complètement. Ils sont simples et charmants. Je passerai à Fontaine vers 11h1/2 demain.Cher Max-Pol
toute mon affection
René Char"
Entré en Résistance dès 1942 sous le nom de "Capitaine Alexandre", René Char, révolté par la censure de Vichy et de Berlin, fit le voeu de ne plus publier ses poèmes dans la France occupée. Il collabora néanmoins dès 1944 à la revue Fontaine dirigée par Max-Pol Fouchet, basée à Alger et résolument hostile au régime de Vichy. Char resta fidèle à Fontaine lorsque, au lendemain de la Libération, la revue s'installa à Paris, et contribua à 5 de ses numéros, non seulement comme poète mais aussi comme chroniqueur. Fontaine publia, entre autres, les premiers extraits des Feuillets d'Hypnos (1945) ainsi que Le Poème pulvérisé (1947).
Max-Pol Fouchet, avec lequel Char nourrira une importante correspondance, le décrira comme "un grand poète, un maître de dignité, de liberté, de rectitude, un maître dont la morale épouse la poésie et la poésie la morale" (Jacques Chirac, "René Char", La revue des deux mondes, juillet 1989, p. 17)
[1] f. recto-verso manuscrit à l’encre noire.