Description
DIX GRANDS ORIGINAUX AU FEUTRE CRÉÉS POUR LE FILM À la Source la Femme Aimée et provenant de la collection de Nelly Kaplan.
L'ensemble comprend :
· Le grand dessin-titre (650 x 500 mm) longuement filmé à l"ouverture du film, dessin érotique où l'on devine des corps féminins mêlés aux chutes d'eau suggestives, où ce mêlent le titre central, À la source la femme aimée, et la signature de l'auteur .
· Neuf dessins-textes, qui précèdent chaque séquence du film, sorte d'intertitre "à l'égal de ceux qui existaient à l'époque des films muets" - (un de 65 x 50 cm signé
et huit de 50 x 32 cm). L'enchainement de ces planches forme un texte sur le peintre surréaliste et la sexualité :
"- Un peintre surréaliste ne peut s'exclure du domaine de la sexualité. Son champ est l'amour nu, véridique… ses fantasmes.
- A la fois le piège et la proie. Elles portent nos destinées. -
- Paysages fantastiques, originels, démoniaques…
- Les corps se mêlent à tous les souffles de la nature
- Les mythes grecs n'ont rien perdu de leur force : Europe, Pasiphaë… Ni « L'âne d'or » d'Apulé.
- Loin des désuètes bergerades, Surréaliste ! invente un jeu nouveau. Toutes choses, et jusqu'au mobilier vont se joindre au « Vertige d'Eros ».
-Sade, Justine, Le château de La Coste et ses fantômes insatiables Les Massacres
-L'homme n'est plus exclu…
- Ici, laissons parler Goethe : Priape, je n'ai rien à craindre des voleurs. Que chacun prenne et goûte à loisir. Je surveille uniquement les impuissants et les tartuffes…"
Tous les dessins sont en noir à l'exception du dernier citant Goethe ; il joue un rôle de bascule dans le film qui, à partir de son apparition à la 9ème minute, passe du noir et blanc à la couleur.
A la Source, la Femme Aimée... est le résultat d'un pari. En 1965,[…] je travaillais pour les Actualités Pathé, avant qu'elles ne disparaissent lors de l'arrivée de la télévision. Chaque magazine Pathé, qui changeait toutes les semaines, comportait une petite séquence sur l'art et. les spectacles. J'avais déjà tourné pour cette série un film autour de Man Ray, petit reportage disparu car les sujets non intégrés partaient à la poubelle! […] Mon reportage sur Man Ray ayant plu à la responsable des Actualités, elle me demande de lui proposer un autre sujet. Je choisis André Masson, que je connais grâce à mes amitiés surréalistes et dont j'admire l'œuvre.
Lors du tournage, Masson extrait un grand carton d'un tiroir et, arborant un sourire malicieux, me dit qu'il ne croit pas que j'oserai filmer son contenu. En effet, il comporte
une série de très beaux dessins érotiques qui s'insèrent difficilement dans les carcans moraux des Actualités Pathé. Mais c'est mal me connaître. A leur vue, enthousiasmée, je décide de réaliser un film qui sera produit par Cythère Films, la petite société que j'administre avec Claude Makovski. C'est ainsi que sera tourné «A la Source, la Femme Aimée...». Chaque séquence est précédée d'un intertitre avec un texte autographe de Masson, à l'égal de ceux qui existaient à l'époque des films muets.
Le film fini, nous le présentons à la Commission de Contrôle car aucune œuvre ne peut sortir sur les écrans français sans un visa de censure. Mauvaise surprise : il est
totalement interdit ! Décidément, Anastasie, sœur de lait de Torquemada, ne me porte pas dans son cœur.
Très en colère, j'obtiens un rendez-vous avec André Malraux, à l'époque ministre de la Culture. J'entre en trombe dans son bureau et comediante-tragediante, lui débite
un discours enflammé a a hauteur des meilleures Catilinaires :
«- Et c'est vous, André Malraux, qui laisserait interdire un film sur un artiste que vous admirez, dont l'œuvre est exposée grâce à vous dans les musées, et dont certaines
fresques ornent, à votre demande, le plafond du Théâtre de l'Odéon ? » Mes coups portent. Sa condition humaine se trouve mal à l'aise. En totale mauvaise foi, j'enchaîne avec une allusion subtile aux neiges d'antan des courageuses Brigades Internationales. La Culture, serait-elle en exil rue de Valois ? Moi, qui croyais que la France était le pays de toutes les libertés..! Je conclus ma tirade, me disant in petto que Sarah Bernhardt aurait été fière de moi. Je prends un air pathétique et j'attends le verdict. Un long silence s'ensuit. Puis, entre deux tics nerveux, Malraux finit par dire de sa voix aux intonations uniques :
«- Bon. Coupez tout ce qui dépasse, et je vous obtiendrai le visa ! »
Ce qui dépasse? Je retiens un fou-rire car si l'on retirait la quantité industrielle de phallus «qui dépassent» dans les dessins de Masson, il ne resterait pas grande chose...
Mais comme Il faut que j'obtienne ce sacré visa sous peine de ne pouvoir jamais sortir le film, j'enlève quelques plans parmi les plus ithyphalliques. Nous le repassons en
commission de censure, obtenant cette fois un visa d'interdiction aux moins de 18 ans. Ce qui est mieux qu'une interdiction totale, même si cela portera atteinte à l'éducation sexuelle de la jeunesse...
Quelque peu circoncise, A la Source, la Femme Aimée est programmée en première partie d'un film à sketches réalisé notamment par Vadim, Chabrol et Molinaro : «Les sept péchés capitaux». Je serai le huitième.
Les années passant ie rétablis la version intéarale et. o tempora o mores. ie demande et j'obtiens un visa tous publics !
(Nelly Kaplan, extrait du livret du DVD, Le regard de Picasso suivi de André Masson - À la source la femme aimée - Cythère Film )
BEL ENSEMBLE.