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7 lettres autographes signées à Marcel Thiébaut

1949

Importante correspondante inédite, Paulhan explique point par point les Fleurs de Tarbes.

2 500 

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Description

7 lettres autographes signées, 20 pages (17 pages in-8, 3 pages in-12), écrites entre 1949 et 1952

Importante correspondante inédite adressée au critique Marcel Thiebaut avant la publication de ce que Paulhan appelle alors le second tome des Fleurs de Tarbes.

Afin de répondre aux critiques de Marcel Thiebaut, Paulhan explique point par point son oeuvre notamment dans deux lettres écrites à un jour d'intervalle, qui, sur 13 pages, détaillent la thèse des Fleurs de Tarbes  puis évoque Sade, Fénéon et la critique à la NRF :

" Votre objection est grave, et - pour autant que j’en puisse juger – parfaitement exacte. […] Je me demande, dans le tome I des Fleurs ce que valent les observations et les lois –ce que vaut la conception générale du langage – sur lesquelles se fonde la littérature moderne. Je découvre :
a) Que ces observations (et les lois qui s’en suivent) ne valent pas grand-chose : qu’elles sont à base d’illusions.
b) Que ces illusions sont cependant pragmatiques ; qu’à défaut d’une conception juste, elles permettent une conduite (littéraire) efficace.
c) Que cette conduite pourrait cependant être rendue plus efficace encore par un ensemble de règles – par une méthode, qui ressemble fort à ce qu’on a de tout temps appelé rhétorique[…]

Je me demande dans le tome II des Fleurs ce que valent (d’un simple point de vue scientifique : rationaliste) les règles et les préceptes – ce que vaut la conception générale du langage – sur lesquelles s’est fondée jadis la rhétorique. (Et sur lesquelles aussi bien elle tente de se fonder, chez les défenseurs modernes de la rhétorique.)[…]

Ici, je découvre (ou je pense du moins découvrir) :

a) Que ces lois, règles et préceptes ne valent pas grand-chose ; qu’elles ne trahissent guère que le jeu d’illusions assez grossières.

J’appelle (provisoirement) ces illusions : la projection et l’inversion. Chose curieuse : elles sont exactement identiques aux illusions dont joue la terreur, sauf que les termes y sont inversés : le mot y tenant la place de l’idée, l’idée la place du mot. Mais la forme et le jeu de l’illusion n’ont pas varié.

b) Que les arguments des rhétoriques (anciens et nouveaux) n’en sont pas moins piquants, pressants, qu’ils nous jettent régulièrement dans un certain état de la réflexion. Bref, qu’à défaut d’être vrais, ils sont efficaces.

c) Que cette efficacité pourrait néanmoins être accrue par une attitude générale de l’esprit, pas un ensemble de règles et de méthode – et précisément par une sorte de défiance et de constante provocation – qui ressemble fort à ce que tout d’abord nous appelions terreur.

Ainsi, s’achève la seconde partie des Fleurs : sur un échec (un peu ridicule). Qui veut exactement penser la Terreur, et la pousse jusqu’à ses conséquences logiques est conduit à adopter la rhétorique. Oui. Mais qui veut exactement penser la rhétorique, et la contraint à la cohérence, est conduit à la Terreur. Voilà qui est sans fin : proprement désespérant. À moins que ...

À moins qu’il ne nous soit donné de dominer Terreur et Rhétorique (et comme de les survoler) : de former du langage et de l’expression une connaissance, non plus illusoire et pragmatique, mais véridique. Or cette connaissance, nous savons du moins maintenant à quelles conditions – et précisément à quel prix de l’intelligence – nous pouvons la former.[…]

Sade : il me semble que sa situation s’éclaire dès que l’on tient que le sadique est aussi masochiste. Et la hantise qu’il a fait peser sur le XXème siècle, si l’on va jusqu’à admettre que nous recherchons – en quelque sorte, malgré nous – cet état métaphysique pour qui sadisme et masochisme sont une seule et même chose. […]

Puis dans une lettre du 8 mais 1952 au sujet de Lettre aux directeurs de la Résistance:

[…] Mais grand merci de votre chronique. Je crains que vous n’ayez raison : j’ai sans doute eu tort d’intituler "Lettre aux ... résistants" un petit livre, où il ne s’agit guère que des Épurateurs (-mais des Épurateurs, tels que nous autres Résistants les avons acceptés, tolérés, et dans une grande mesure, appelés. Peu importe. J’aurais dû éclairer un peu mieux ma lanterne). […]
Mon excuse – c’est une excuse détestable – serait peut-être que mon petit livre, s’il avait porté le titre : "lettre aux directeurs de l’Épuration", personne ne l’aurait lu. De quoi j’ai une preuve : c’est que je me suis bornée à répéter en 1952 ce que j’avais fort bien dit en 44, en 45, en 46. Seulement, personne alors ne m’avait écouté. Peut-être faut-il légèrement tricher pour être entendu. Voilà qui serait inquiétant.

Bel ensemble non publié, qui éclaire une grande partie de l'oeuvre de Paulhan et montre le soin qu'il apportait à sa réception et sa compréhension.

1949-1952.In-12 et In-8, En feuilles,20 pages.

Bio

Jean Paulhan

(Nîmes, Gard :  2 décembre 1884 –  Neuilly-sur-Seine, Hauts-de-Seine : 9 octobre 1968)

Voir Les Œuvres