Poulpe

Réservé

Description

"Qui aurait pu mieux que Dazet vous documenter?", regrettait Paul Lespès, ancien camarade d'Isidore Ducasse, dit le Comte de Lautréamont, dans une lettre à son premier biographe.  Mieux connu sous l'énigmatique épithète du "poulpe au regard de soie", Georges Dazet était mort 7 ans plus tôt ; en l'absence de son témoignage, le "mystère Dazet" au coeur des Chants de Maldoror demeure irrésolu. Cela n'empêcha pas "des générations d'exégètes [de s'y] heurter" (Lefrère, Lautréamont, p.39). Jean-Jacques Lefrère consacre ainsi un chapitre à Georges Dazet dans ses deux principaux ouvrages sur Lautréamont,  et le dossier Georges Dazet des Cahiers Lautréamont ne comporte pas moins de 7 parties, avec des articles signés par Jean José Marchand, Jean-Jacques Lefrère et Jean-Pierre Lassalle.

En effet Georges Dazet, en plus d'apparaître comme le premier dédicataire des Poésies I, est cité à 9 reprises dans la première version des Chants de Maldoror (1868). Il y figure ainsi dès la strophe 9 :

Ah! Dazet! toi dont l'âme est inséparable de la mienne;  toi, le plus beau des fils de la femme, quoique adolescent encore; [...] pourquoi n'es-tu pas avec moi, ta poitrine contre ma poitrine, assis tous les deux sur quelque rocher du rivage, pour contempler ce spectacle que j'adore!

À la seconde publication du chant premier dans le recueil Les Parfums de l'âme (1869), son nom sera remplacé par l'initale "D..." Plus curieusement, dans la version définitive des Chants parue chez Lacroix en août 1869, le patronyme de Dazet disparaîtra entièrement, laissant place à un déferlement d'épithètes animaliers plus au moins grotesques : le fameux "poulpe au regard de soie" (strophe 9), tout d'abord, puis "rhinolophe [...] dont le nez est surmonté d'une crête en forme de fer à cheval" (strophe 10), "pou vénérable, toi dont le corps est dépourvu d'élytres" (strophe 12), "les quatre pattes-nageoires de l'ours marin de l'océan Boréal" (strophe 13), "infortuné crapaud" (strophe 13), "l'acarus sarcopte qui produit la gale" (strophe 14).

Cette métamorphose du nom de Dazet constitue la principale variante des 3 versions connues du chant premier, et  à ce titre donna lieu à nombre de spéculations qui constituent le "mystère Dazet". Une dispute aurait-elle divisé les deux camarades, justifiant la transformation de Dazet en cette étrange chimère ? La famille Dazet, qui avait souvent accueilli Ducasse alors qu'il était interne au lycée de Tarbes, aurait-elle réclamé la censure de cette prose équivoque ? La métamorphose de Dazet relèverait-elle d'une évolution purement littéraire,

 "pour que l'ensemble des six chants connût cette identité dialectique des contraires, affirmât que l'unité d'un texte n'est pas dans la maintenance d'une intrigue construite autour de héros nettement définis, mais dans l'incessante productivité qu'il révèle" ? (Peytard Jean. La rature de Dazet, ou la métamorphose du sens. Littérature, n°4, 1971.. pp. 68-78)

STROPHE 12 LES DEUX DE VERSIONS
https://www.persee.fr/doc/litt_0047-4800_1971_num_4_4_2527

La question, quoi qu'il en soit, continue de fasciner, d'autant qu'on s'interroge sur l'amitié qui aurait pu lier Dazet, âgé de 16 ans à la première parution du chant premier, à Isidore Ducasse, de 6 ans son aîné ; François Caradec va jusqu'à supposer que Ducasse aurait pu éprouver des sentiments amoureux pour Dazet (Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont).

Inconnu de son vivant, Lautréamont (1846-1870) est redécouvert à la fin du XIXe siècle. Lu par Huysmans, Jarry et Remy de Gourmont, il est adopté comme égide par les surréalistes. On ne connait cependant que  peu de choses de ce "masque de fer de la littérature" (Lefrère, Isidore Ducasse, p. 7), dont la biographie fut laborieusement reconstituée à partir de maigres indices : la liste des dédicataires des Poésies I, notamment, qui permit de placer Isidore Ducasse au lycée impérial de Tarbes.

Alors que Ducasse est élève en classe de 5e, Dazet entre en 8e. Malgré cette différence d'âge, les adolescents se fréquentent : Jean Dazet, le père de Georges, est vraisemblablement le correspondant de l'interne Ducasse--dispositif mis en place pour les étudiants dont les parents vivent au loin. Le seul portrait connu d'Isidore Ducasse fut d'ailleurs découvert en 1977 par Jean-Jacques Lefrère --événement d'une importance capitale dans l'histoire de la recherche sur Lautréamont-- dans l'album photographique de la famille Dazet, face à une photo de Georges Dazet enfant.

  • Un portrait de Georges Dazet adulte par Blanchard (Tarbes), tirage argentique de l'époque format portrait carte-de-visite, 63 x 105 mm. On notera que c'est ce même photographe qui réalisa le seul portrait connu d'Isidore Ducasse, découvert dans l'album photographique de la famille Dazet. Les marques et inscriptions au dos des deux photos, de même que leur format, son d'ailleurs en tous points identiques.

Georges Dazet s'avère être un élève brillant, "au point que ses professeurs conseilleront à sa famille de le laisser poursuivre ses études dans la classe d'élite d'un lycée parisien destiné aux petits prodiges de l'Empire" (Isidore Ducasse, p. 138). En témoignent également ses nombreux prix, dont le prix d'excellence qui lui reviendra chaque année.

  • Deux livres de prix du Lycée impérial de Tarbes, où Georges Dazet rencontra Lautréamont :
    Villmeain, Etude de Littérature ancienne et étrangère par M. De Villemain. Paris, Didier et Cie, 1862. 1 vol in-12, 120 x 178 mm,  [2] ff. - 395 pp. Etiquette de prix contrecollée sur le contreplat supérieur, 1er prix d'instruction religieuse décerné à Georges Dazet, élève de 3e. Basane brune, dos lisse orné d'un décor à l'or, plats ornés d'un filet doré et d'un décor à froid, médaillon "Lycée Impérial de Tarbes" à l'or au centre du plat supérieur, roulette sur les coupes, tranches marbrées. Manque à la coiffe supérieure, frottements. Piqûres, papier bruni.
    Flourens, Recueil d'éloges historiques lus dans les séances publiques de l'Académie des sciences. Paris, Garnier frères, 1856. 3 vol. in-12, 123 x 179 mm 412 pp. + 436 pp. + 366 pp. Etiquette de prix contrecollée sur le contreplat supérieur au vol. 1, 2e prix de mathématiques décerné à Georges Dazet, élève de 2nde. Basane verte, dos lisse avec décor à l'or, filet doré et décor à froid sur les plats, médaillon "Lycée Impérial de Tarbes" au centre du plat supérieur, roulette sur les coupes, tranches dorées.
  • Un ouvrage de la bibliothèque de Georges Dazet, avec son ex-libris manuscrit à l'encre sur la première garde blanche (à  M. George Dazet, Tarbes"). Guizot, L'amie des enfants, petit cours de morale en action. Paris : Didier, 1856. 1 vol. in-8, 160 x 244 mm, XI pp. - 266 pp. - [1] f. bl. - 280 pp. - [17] pl. Reliure de éditeur en toile, dos lisse à décor doré, plats illustrés d'un décor polychrome. Piqûres, pli et petit déchirure à un feuillet,  déchirure marginale à une planche. Truffé d'un dessin, profil d'un écorché à l'encre sur une feuille de calque, signé au crayon (illisible).

En 1862, Ducasse quitte le lycée de Tarbes. Dazet y poursuivra ses études jusqu'à la fin de son année de 2nde avant de rejoindre la capitale pour y suivre les cours du lycée Charlemagne. Les deux tarbois se seraient-ils recroisés à Paris ? Lefèvre spécule que Dazet aurait pu être celui qui présenta alors Ducasse à Paul Émion, son ami d'enfance ; ce-dernier figure lui aussi comme dédicataire des Poésies I sous le nom d'Alfred Sircos. En tant que directeur de la revue Jeunesse, Émion fut le seul critique à réagir à la publication des Chants (Isidore Ducasse, pp. 343-344). Une lettre de Georges Dazet à sa mère témoigne de son état d'esprit à cette période de sa vie :

  • 1 LàS de Georges Dazet à sa mère, écrite de Paris alors qu'il étudiait au Lycée Charlemagne et logeait à le pension Massin (mention "commencement de 1870" à la mine de plomb). Un ff. in-8 de 264 x 208 mm, plié en deux, soit 4 pp. manuscrites à l'encre. Dazet y évoque ses résultats scolaires, sa lassitude et les émeutes agitant les lycées parisiens.

Chère mère,
Je commence par le compte-rendu de ma journée de dimanche. - sorti tard de la pension, vers midi environ, j'ai été déjeuner avec notre inspecteur, qui en sa qualité de quasi-compatriote (il est de l'Ariège) vit en excellents rapports avec moi. J'ai été dans l'après-midi chez Tronsens, et j'ai frappé à la porte de Prat, que je n'ai encore pas trouvé. A propos de cela, que je réponde à une question de ton avant-dernière lettre. Jean-Paul a vu Prat lors de son dernier séjour à Paris ; il a passé environ deux heures avec lui ; c'était le dimanche autant qu'il me semble. Prat a eu quelques moments assez durs à passer, mais ils sont passés, et il est casé à l'heure qu'il est fort confortablement. Du reste, logé dans le quartier central de Paris, à cinquante mètres, ni plus ni moins, de chez Tronens. Je reprends et j'achève le récit de mon dimanche : le soir j'ai dîné chez Mayer avec Aubertin et de Pressence, et nous nous sommes rendus tous quatre après dîner à la conférence Caraignac, dont je t'ai parlé, je crois, l'année dernière. Cela nous a menés tout tranquillement a 10 heures, heure de nous séparer. -
Pas de places encore cette semaine : Monsieur de la Coulonche en prend à son aise : voilà trois semaine et plus qu'il a entre les mains une composition en discours. -
Mais que dis-je, pas de places ? Si, au contraire, en version latine, où j'ai trouvé moyen d'être neuvième. - J'avais fait ma composition sous l'empire de ces impressions fâcheuses dont je parlais dans ma dernière lettre. Petite affaire en somme.
Cet ennui dont je vous ai parlé, peut-être, et qui a tant inquiété marraine, s'est dissipé comme tant d'autres dont je ne vous ai rien dit. Il ne m'en est resté qu'une très grande fatigue physique. Je ne me sens pas souffrant, mais je suis mou et incapable de rien faire. Impossible de m'arracher du lit le matin, impossible de ne pas m'endormir sur mes cahiers ou sur mes livres. Je perds un temps incroyable à m'étirer et me frotter les yeux. Madame Lesage me fait donner du quinquina : cela ne peut être que fort bon. Mais j'espère que le printemps va venir m'émoustiller un peu. J'en ai besoin.
Ce sont les lycées de Paris en général qui n'ont pas besoin d'être émoustillés !  Emeute à Ste Barbe, dont tu entendras parler bien sûr. Hier au soir, émeute à Jauffret. Ils vont bien ! Je crois que Massin restera tranquille, se reposant sur sa vieille gloire : car c'est lui qui a donné le signal, dès le mois de novembre, s'il t'en souvient. Quoi qu'il en soit, Monsieur Lesage et Monsieur David ne sont pas rassurés du tout. Ah ! C'est un métier difficile (au XXX)
Maintenant que je te remercie, bonne mère, de l'empressement que tu as mis à me faire faire les effets dont j'ai dit avoir besoin. Mais tu pouvais attendre quelque temps encore, et ne pas te gêner pour cela, car je suis sûr qu'il a fallu te gêner, pauvre mère. Du reste, sois tranquille, je veux bien les ménager, et ne les porter que quand j'en aurai absolument besoin. J'attendrai encore quinze jours avant de les mettre : ils seront toujours XXX assez XXX (je m'aperçois que j'ai mis le pluriel partout bien qu'il ne s'agisse que d'une jaquette : peu importe)
Autre ennui que je vais te donner, et celui-ci plus grave peut-être. Il s'agit d'achats à faire pour compléter le costume de mon camarade Petitfront. Petitfront va à un bal costumé le dimanche prochain en huit, et il voudrait avoir pour ce jour : une ceinture rouge fine, peu importe le prix ; un couteau catalan, à bonne lame, de la longueur d'un empan environ, dans le prix de 10 à 18 francs ; enfin un tambour de basque (Oh! "chic", c'est son mot. Tout cela est-il possible ? J'en doute. Mais tu pourrais au moins avoir la ceinture et le couteau. Inutile de dire que si tu peux aussi avoir le tambour, tu me feras plaisir et tu rendras service à mon camarade. Tout cela, le plus tôt que tu pourras, pour jeudi prochain, si possible. Tâche, pour n'avoir pas à débourser, de donner la commission à une boutique quelconque de Tarbes, Noilhan ou autre, qui enverra la facture telle quelle au père Petitfront... + réponds à tout cela dans des termes que je puisse montrer la lettre à Petitfront.
Quant au silence du proviseur, il n'y a pas lieu le moins du monde de t'en inquiéter : il est toujours pour moi le plus charmant du monde et est enchanté toutes les fois qu'on lui fait un bon rapport sur mon compte. Je tâche, bien entendu, que ce soit le plus souvent possible.
As-tu reçu des nouvelles de Jean-Paul depuis son installation ? Moi, j'attends au moins qu'il m'envoie son adresse. Guitry est fortement menacé d'être marié par Madame Lesage, qui prend la chose à coeur. Je termine, manquant de papier et de temps. Compliments à [Mara], rassure marraine, inquiète de mon ennui ; parle moi [de Louis des au Blond que je ne vois rien venir] et embrasse tout le monde pour moi, toi en tête.
Jeudi, midi 1/2
G Dazet

 

Tous les témoignages s'accordent à dépeindre Dazet comme un parangon de charisme, et soulignent aussi bien son éloquence que son physique avantageux. Un vieux tarbais décrit ainsi le personnage, dont il avait gardé une impression inoubliable après l'avoir croisé dans un train : "un homme très beau -le terme d'Alcibiade fut prononcé- séduisant, et il y avait de quoi fasciner un enfant." (Isidore Ducasse, p. 158). Si Ducasse mit en mots cette fascination comme nul autre, il ne fut ainsi pas le seul à choisir Dazet pour muse.

  • Deux poèmes d'un certain "V. P." dédiés à Georges Dazet, à savoir : un poème manuscrit signé V. P., avec un épigraphe de Georges Dazet (G. D.) (Lefrère, Lautréamont, p. 131) (1 f. de 134 x 208 mm) et un poème acrostiche tapuscrit "A Georges Dazet", avec un épigraphe de Georges Dazet, signé V. P. (Lefrère, Lautréamont, p. 131). 1 f de 122 x 169 mm.

Le banc renversé
Ep.
Un gigantesque point d'interrogation !
- G. D.

Des confins des pampas arides des pensées
Du profond des gulf-stream des choses insensées
De l'Himalaya de l'imagination,
Du lointain de l'Ether qu'aucun Herschell ne nomme,
Spectre fait de silence et de contorsion,
Ni démon, ni lutin, ni farfadet, ni gnôme,
Pieds en l'air, menaçant, il se redresse comme
Un gigantesque point d'interrogation....

On passe. Il épouvante ; et l'on a bonne envie
De se signer un peu, tant on craint pour la vie.
Mais, Lui, toujours tranquille en sa position,
Déroutant les calculs et les regards de l'homme,
Adresse sans parler la même question.
Il est grand. Il fait peur. On dirait un fantome.
Pieds en l'air, menaçant, il se redresse comme
Un gigantesque point d'interrogation !

-"Fatigué de la servitude
Victime des postérieurs,
Je m'affranchis de l'attitude
Qu'ont les meubles inférieurs.
Durant mon existence rude
Parmi les humbles serviteurs,
Je reposais la lassitude
Des passants et des promeneurs.

-"Mais -ô l'humaine ingratitude !
Que je subis de deshonneurs
Moi qui, dans ma sollicitude
Offrais asile au sein des fleurs !...

-"A l'ombre, lorsque M. Jude
Faisait entendre des douceurs,
Avec quelle béatitude
Me retrouvaient mes oppresseurs !...

-"Un homme de coeur et d'étude,
Emu de mes nombreux malheurs,
Dissipa mon inquiétude
En voulant bien s'asseoir... ailleurs !

-"Dans sa loyale rectitude,
Dédaignant méchants et railleurs
Il vint dans cette solitude
M'élever au rang des grandeurs !

V. P/D

 

Les yeux de chat

J'ai des yeux de chat...
G. D.

Ah! Ne vous plaignez pas d'avoir des yeux de chat;
Gémir d'un tel destin serait ingratitude;
Eh, ma foi, comme on est, comme vous, avocat,
On doit du sort bénir cette sollicitude.
Raton, pendant la nuit, à la faveur première.
Gageons que comme lui vous voyez clair aussi,
Et que dans un procès où manque la lumière
Sans grand peine y voir, pour vous est un maigre souci.

Donc, de ce privilège, ayez l'âme ravie;
A vos côtés laissez s'éborgner les malins;
Zoroastre et Newton eussent eu cette envie....
Et tout bon avocat doit, pour gagner sa vie,
Tenir tout à la fois : griffe et regards félins.

V. P.

  • Un poème manuscrit vraisemblablement offert à Georges Dazet, lettre d'un prisonnier à son amante. 1 f. de 220 x 160 mm plié en 2, soit 2,5 pp. Non-identifié.

Si Dazet, atteignant l'âge adulte, se cantonna à l'écriture d'ouvrages de sociologie et de politique, quelques manuscrits de jeunesse témoignent de son rôle actif dans ces échanges littéraires. Il semble s'être intéressé plus particulièrement au théâtre, qui lui permit d'aiguiser à la fois sa plume et ses talents d'orateur. Lefrère cite notamment une pièce coécrite par Dazet,  une parodie de Télémaque pour la création de laquelle il interpréta le rôle d'Alcibiade (Lefrère, Lautréamont, p. 132)

  • Les manuscrits inédits de deux oeuvres de jeunesse :  le manuscrit incomplet d'une comédie en 5 actes (soit l'acte II , l'acte III et le début d'un résumé de l'intrigue), "Le Supplice d'une Mère" (in-4, 190 x 240 mm, 13pp. 1⁄2. Déchirures sur le haut de la dernière page qui n'affecte pas la compréhension du texte malgré un mot manquant). La comtesse de de Gueyran cherche à marier sa fille, mais un maître chanteur lui rappelle une erreur de jeunesse. Ce manuscrit semble être inconnu de Lefrère, qui ne le cite pas dans Lautréamont. Également le manuscrit d'un poème en patois bigourdan, "Lou Pensa e la Rose counté" (3pp. 1⁄4, petit in-4, 162 x 224 mm).

Salué comme un prodige dans son enfance, jouissant d'une bonne réputation comme avocat, Dazet fut moins heureux dans sa carrière politique, où il connut "moins de hauts que de bas" (Isidore Ducasse, p. 159). Poursuivi par une "historiette" (il aurait joué de l'argent qui lui avait été confié), il s'engagea, en tentant de se défendre, dans d'amères querelles, perdit successivement plusieurs élections, et fut même écarté de son propre parti.
Le scandale ne cessa de la poursuivre : il fut ainsi impliqué dans l'affaire Lemoine, une escroquerie fondée sur un prétendu procédé de fabrication de diamants. Franc-maçon, on l'accusa ensuite d'avoir servi d'indicateur au Grand Orient lors de "l'affaire des fiches" : dans le but de "républicaniser" l'armée, les officiers, sur le rapport de certains francs-maçons, avaient été "fichés" en fonction de leurs croyances politiques.

Longtemps perdu pour les biographes, Isidore Ducasse est aujourd'hui plus ou moins "reconstitué", et ce portrait lacunaire repose, autant que sur son oeuvre, sur les personnages qui l'ont entourée. La photographie de Dazet incluse dans cet ensemble figure ainsi en bonne place sur les couvertures de deux des ouvrages de Jean-Jacques Lefrère consacrés au poète, imbriquée dans la mosaïque qui constitue notre réponse au mystère Lautréamont.

STROPHE 10 LES DEUX VERSIONS

« Qu'on écarte cet ange de consolation qui me couvre de ses ailes bleues. Va-t-en Dazet, que j'expire tranquille. Mais ce n'était malheureusement qu'une maladie passagère, et je me sens avec dégoût renaître à la vie. » (Strophe 10, 1ere version)

Bibliographie :
Lefrère, Jean-Jacques. Isidore Ducasse, auteur des Chants de Maldoror, par le comte de Lautréamont. Paris : Fayard, 1998.
Lefrère, Jean-Jacques. Lautréamont. Flammarion : 2008.

Pour aller plus loin :